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L'ébauche d'une réponse

Cyrille Audebert

Nouvelles

 L Ebauche d une reponse grand

 
(Extrait de Un troll de jour pour mourir)

            — Monsieur Mac Manamann, savez-vous de quoi il s’agit ?

— Pardon ? 
Quand je me retourne, mon superviseur en billetterie me désigne du pouce les instruments posés près de moi sur une table à roulettes.
— Je disais : savez-vous de quoi il s’agit ?
Je mate les appareils avec leurs écrans à cristaux liquides : ils n’affichent que des lignes vertes et planes et des zéros pathétiques. Je secoue la tête à contre-cœur : admettre devant cet énergumène que j’ignore leur utilité, ça me fait vraiment mal.
— Eh bien, cher Monsieur Mac Manamann, tous ces ustensiles et leurs cadrans désespérément vides sont, en temps réel, les témoins privilégiés autant que visuels de votre énergie vitale.
— Je ne vous suis pas très bien, là.
— Ce que je cherche à vous dire en des termes choisis, c’est que vous êtes branché sur ces appareils. 
Je me dresse sur un coude et lorgne de nouveau les écrans vierges d’activité avec une pointe d’angoisse.
— En résumé, je ne suis pas au mieux… C’est ça ?
— Ouuiii…. ? Mais encooore… ? 
Le type opine du chef et ouvre de grands yeux pour m’encourager à aller plus loin dans ma réflexion. Du coup, la broussaille de ses sourcils se plante au milieu de son front parcheminé.
— Hmm, d’accord… Alors, admettons que je ne sois pas au top de ma forme… Est-ce bien normal que la poignée de médecins ici présents ne se précipite pas sur moi ? 
L’étrange fonctionnaire grimace :
— Je crois qu’il va falloir que vous soyez courageux.
— Vous allez vous mettre à chanter ? 
L’individu lève les yeux au ciel et joint ses courtes mains en signe de prière, provoquant un bruissement de grelots.

— Aïe ! je lui fais. Ça non plus ça ne doit pas être très bon signe, hein ?  


            (Extrait de L'odeur de la campagne)

— Et si t’y allais tout seul ? j’ai insisté. Tu pourrais aller chercher du secours ?
Mais Marco n’a pas répondu. Son visage venait de se décomposer. La bouche ouverte, il écarquillait de grands yeux affolés et regardait par-dessus mon épaule.

Quand je me suis retourné, le chef était là, debout en face de moi, avec une gueule à faire peur. Il grognait et il bavait en même temps. Quelle déchéance pour un type de son rang, j’ai pensé.

Il a gargouillé un drôle de truc, du genre « gwaaaaahhh… », et ça m’a semblé moyennement amical comme approche. Mais quand il a porté à sa bouche ce qui semblait être une poignée de viscères, et qu’il a croqué dedans avec appétit, j’ai dû convenir que le chef n’était pas au mieux de sa forme. J’ai essayé de rester cordial :

— Sympa, Chef, mais non merci, on a déjà déjeuné.

T’en foutrais… Il a encore grogné un truc bizarre avant de balancer son quatre-heures par-dessus son épaule. Il avait visiblement oublié les bonnes manières. Quand il a tendu les bras et fait un pas vers nous, j’ai machinalement porté la main à mon arme de service, mais je n’ai pas eu besoin de la sortir.

En même temps qu’un coup de feu claquait en provenance de la ferme, le crâne du chef a explosé comme un fruit trop mûr. Il est resté un instant debout, avec sa mâchoire inférieure pour seul vestige de son sourire enjôleur, et puis il est tombé comme une masse. Raide.

— Je veux rentrer…, a dit Marco sans presque ouvrir la bouche. J’en ai marre là, je veux rentrer.

Et moi donc…

 

 
 



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